Evaluation des stratégies de gestion pour les pêcheries artisanales des lagons d’atolls / ManaGement strAtegy evaluatIon for small-scale fisheries in Atoll lagoons (GAIA)

La capacité des pêcheries océaniennes à persister dans un contexte de changements climatiques est incertaine, et dépendra de leur habilité à mettre en œuvre des stratégies de gestions robustes aux changements sur le long terme. Comme pour d’autres atolls semi-fermés dans l’archipel des Tuamotu, des densités importantes de bénitiers Tridacna maxima caractérisent les lagons de Reao et Tatakoto. Cette ressource fournit aux îliens des revenus significatifs, via la pêche pour le marché de la chair et le collectage de naissain pour le marché de l’aquariophilie. Toutefois, ces activités ont montré des signes de vulnérabilité aux fortes températures, ce qui pose question quant à leur durabilité. Différentes mesures de gestion ont été mise en œuvre dans ces deux lagons, mais celles-ci génèrent des inégalités entre pêcheurs et aquaculteurs, si bien que la capacité de ces socio-écosystèmes à supporter des mesures plus strictes est actuellement incertaine. L’hypothèse de départ est que les stratégies de gestion actuellement en place devront être ajustées dans le futur pour rester aussi efficaces et socialement acceptables qu’elles le sont dans les conditions de température actuelles. En effet, ces mesures réorganisent la pression de pêche sur des zones ou des stades de vie qui sont plus ou moins sensibles à l’augmentation de la température. Pour pouvoir proposer de nouvelles stratégies de gestion, une évaluation quantitative de la robustesse de ces stratégies à l’augmentation de température manque actuellement aux gestionnaires.

GAIA est un projet interdisciplinaire qui évalue la durabilité des socio-écosystèmes dans les atolls semi-fermés basés sur l’exploitation de la ressource en bénitiers, dans un contexte de changement climatique. Les trois objectifs du projet sont (1) de caractériser la vulnérabilité (exposition et sensibilité) des bénitiers à l’augmentation de la température, (2) d’évaluer le coût socio-économique que les mesures de gestion imputent aux îliens, et le potentiel d’adaptation de ces derniers à de nouvelles régulations, et (3) de modéliser la dynamique des populations de bénitiers aux deux sites, afin d’évaluer l’efficacité des stratégies actuelles de gestion et identifier de nouvelles mesures permettant d’atténuer les effet du changement climatique. 

GAIA est structuré en 7 tâches (T). T1 est dédiée à la coordination et T7 à la dissémination. T2 & T3 visent à caractériser l’exposition et la sensibilité des bénitiers à la température dans les deux lagons. T4 modélisera le fonctionnement hydrodynamique et la dispersion larvaire de T. maxima aux deux sites, et T5 identifiera des stratégies de gestion durables au regard de la structure sociale des populations dans ces atolls. Les résultats de T2 à T5 alimenteront T6, qui consistera à valider un nouveau modèle de populations pour T. maxima, thermo-dépendant et spatialement explicite, et utilisera ce modèle pour comparer l’efficacité de différentes stratégies de gestion, et leur robustesse à l’augmentation de la température.

La nouveauté du projet GAIA réside dans son approche interdisciplinaire, dans la configuration géomorphologique des deux sites d’étude qui n’a jusqu’à présent jamais fait l’objet de modélisation hydrodynamique, mais également dans les nouvelles technologies qui seront utilisées. Ce projet produira des résultats utiles pour la gestion des lagons dominés par les bénitiers en Océanie, et pourrait mettre en évidence la nécessité, pour la Polynésie française, d’adapter sa stratégie de développement à long terme concernant l’exploitation des bénitiers (pêche et mariculture).

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Figure 1 : Site d’études. A) localisation de Tatakoto et Reao en Polynésie française. B) Vue satellite de Reao. C) Zoom sur le village de Tapuarava à Reao. D) Vue satellite de Tatakoto. NTA : No Take Area (Zone où le prélèvement de bénitiers est interdit). PCC : Post-larval capture and culture (Zone où le collectage de naissain de bénitiers est pratiqué).

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Figure 2 : Vulnérabilité des filières bénitier. A gauche : un bénitier blanchi suite à une vague de chaleur à Reao en mars 2016. A droite : Un collecteur de naissain de bénitiers sur lequel l’ensemble des bénitiers ont blanchis (Reao, 2016). Les photographies sont issues de Kabbadj et al. (2018) https://doi.org/10.1016/j.marpol.2018.03.024.